Bilan de compétences : vers la suppression du CPF en 2026 ?

Silhouette_femme
La rédaction
CCM Benchmark
Publié le 10/12/2025 Mis à jour le 10/12/2025
Image principale
Image
Loi finance CPF
Sous-titre
Le projet de loi de finances pour 2026 (PLF 2026) a failli priver les actifs français d'un outil essentiel : le bilan de compétences financé par le Compte Personnel de Formation (CPF). Passée relativement inaperçue lors de la présentation générale du budget, la disposition initiale prévoyait simplement de supprimer l'éligibilité des bilans de compétences au CPF.

Conséquence : près de 40% des salariés et demandeurs d'emploi auraient dû payer eux-mêmes ou renoncer à cette étape clé de leur reconversion. Cependant, un amendement déposé le 7 novembre 2025 par Emmanuel Maurel, rapporteur de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », a inversé la trajectoire. Adopté le 9 novembre 2025 en commission des finances, cet amendement proposait de supprimer les alinéas 3 à 9 de l'article 81, préservant ainsi l'accès au bilan de compétences via le CPF. Le débat reste ouvert, mais les enjeux sont maintenant clairement exposés.

Blocs
Titre

Pourquoi le gouvernement voulait-il exclure le bilan de compétences ?

Texte

L'article 81 du PLF 2026 s'inscrivait dans une logique de recentrage budgétaire. Le gouvernement entendait concentrer les financements du CPF sur les formations directement qualifiantes et certifiantes, débouchant sur un titre ou un diplôme inscrit au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 2024, le bilan de compétences représentait près de 15% des dossiers déposés sur la plateforme Moncompteformation. Or, ce type d'action ne débouche pas sur une certification professionnelle, ce qui explique pourquoi le gouvernement l'a ciblé. Le constat était brutal car environ 40% des coûts financés par le CPF vont à des formations non certifiantes, perçues comme moins directement opérationnelles. Le coût moyen du bilan de compétences, souvent supérieur à 1 200 euros, a également pesé dans la balance.

S'ajoute à cela la fraude détectée depuis 2022 avec des faux bilans, des prestataires non certifiés, des campagnes agressives de démarchage. La lutte contre la fraude au CPF, estimée à plus de 43 millions d'euros en 2021, a servi de justification politique forte à cette mesure de rationalisation.

Titre

Les enjeux pour les organismes de formation et les salariés

Texte

Pour les organismes de formation spécialisés dans le bilan de compétences, l'exclusion du CPF aurait signifié une chute drastique de l'activité. Aujourd'hui, le CPF constitue un élément central du modèle économique de ces prestataires. Sans accès au CPF, seules subsisteraient les demandes financées par les entreprises ou les dispositifs publics alternatifs, réduisant considérablement le marché adressable.

Texte

Pour les salariés, les conséquences auraient été tout aussi préoccupantes. Le bilan de compétences, créé en 1991, occupe une place singulière dans le paysage de la formation professionnelle. Il permet à chaque actif de faire le point sur ses compétences, ses motivations et ses perspectives avant d'engager une reconversion. C'est un outil de diagnostic personnel, indispensable à la prise de recul face aux mutations du marché du travail. 

 

Des millions d'actifs nourrissent un projet de reconversion, souvent en raison des évolutions de leur secteur d'activité, ou suite à une perte de sens et une souffrance au travail. 30% des actifs français ont déjà été en burn-out modéré ou sévère au moins une fois dans leur carrière, selon les chiffres avancés par les députés. Exclure le bilan de compétences du CPF, c'est retirer une pierre essentielle à cette démarche d'orientation et de reconstruction professionnelle, particulièrement dans un contexte de transitions accélérées.

image
Bilan compétences
Titre

L'amendement Maurel-Mercier : un compromis équilibré

Texte

L'amendement adopté en commission des finances ne rejette pas la question budgétaire. Il propose une voie médiane, c’est-à-dire le maintien de l'éligibilité au CPF tout en plafonnant le montant pris en charge par voie réglementaire afin d'éviter les abus.

Cette position rejoint celle de plusieurs acteurs de la formation, qui plaident depuis des mois pour une régulation qualitative plutôt qu'une exclusion pure et simple. Le bilan de compétences demeure un point de passage nécessaire pour de très nombreux travailleurs. Sans cette étape préalable, passer directement à la formation adaptée ou au projet professionnel est beaucoup plus risqué et augmente la probabilité d'abandonner la démarche.

Emmanuel Maurel soulignait l'importance cruciale de cette étape : « Le bilan de compétences est un point de passage nécessaire pour de très nombreux travailleurs, qui en ont besoin pour accroître et consolider leur niveau d'engagement dans l'élaboration et la mise en œuvre de leur projet professionnel. »

Titre

Ce qui change pour les actifs en 2026

Texte

L'amendement, s'il est confirmé en séance publique à l'Assemblée nationale puis au Sénat, permettrait aux salariés et demandeurs d'emploi de continuer à financer leur bilan de compétences via le CPF. Toutefois, rien n'assure que cette victoire en commission sera confirmée au terme du parcours législatif complet.

 

De plus, le plafonnement du montant pris en charge sera sans doute voté et défini par voie réglementaire. Les contours exacts de ce plafonnement restent à préciser, mais cette mesure vise à prévenir les dérives tarifaires tout en maintenant l'accès au dispositif pour le plus grand nombre.

image
Loi finance CPF
Texte

En conclusion, le débat autour de l'article 81 du PLF 2026 dépasse largement la question du bilan de compétences. Il cristallise une tension de fond : comment concilier responsabilité budgétaire et droit individuel à la reconversion ? Le CPF, symbole de la formation à l'initiative de l'actif, est désormais perçu comme un champ de dépenses à maîtriser.

Pour de nombreux salariés, le bilan de compétences reste le premier pas vers une reconversion réussie. L'amendement Maurel-Mercier signale que le bilan de compétences demeure un droit essentiel, un outil de sens et de projection dans un monde du travail en pleine transition. Le texte devra néanmoins passer les épreuves de la séance publique et du Sénat avant d'être définitivement adopté.